Validation d’un modèle animal de polyconsommation d’alcool et de cocaïne

La polyconsommation est la norme, et non l’exception, chez les utilisateurs de drogues. Elle peut prendre plusieurs formes mais elle implique presque toujours le co-usage d’au moins un produit licite (e.g., ingestion d’alcool) et d’une substance illicite (e.g., inhalation ou injection de cocaïne). Le plus souvent aussi, les futurs polyconsommateurs commencent par utiliser une substance licite avant de co-utiliser une substance illicite. Cette séquence licite>illicite est, bien sûr, principalement due à la plus grande accessibilité et acceptabilité sociale des substances licites. Cependant, après initiation de
la consommation de drogues illicites, les usagers s’orientent vers différents profils de polyconsommation. Quelles sont les caractéristiques de ces profils, comment ils émergent et persistent dans le temps et, enfin, dans quelle mesure ils correspondent à des traits individuels, sont autant de questions pressantes qui attendent toujours d’être résolues.

Il est aussi important de savoir si et dans quelle mesure le co-usage d’une substance licite peut influer sur la vulnérabilité, la gravité et/ou la chronicité de l’usage de substances illicites. En dehors de quelques recherches antérieures sur la prévalence et l’hétérogénéité de ces profils de polyconsommation dans différentes populations d’usagers, relativement peu de recherches systématiques ont été menées pour répondre à ces différentes questions. Notamment, il existe un grand fossé entre la réalité de la polyconsommation chez les humains et la recherche scientifique sur les modèles animaux. Cette dernière a été et est toujours principalement concernée par le mono usage de substance, négligeant presque complètement la polyconsommation. Il est possible que ce décalage avec la situation humaine ait contribué à limiter la valeur de cette recherche. Il ne fait aucun doute que l’étude du mono-usage de substance dans les modèles animaux est importante en soi et qu’elle est également nécessaire pour répondre à certaines questions neurobiologiques fondamentales.

Cependant, cette recherche n’est pas nécessairement directement pertinente lorsqu’il s’agit de comprendre les différents profils de polyconsommation. En effet, il n’est pas exclu que la polyconsommation implique d’autres mécanismes neurobiologiques en plus de ceux impliqués dans le mono-usage. Cela pourrait contribuer à expliquer pourquoi beaucoup d’interventions apparaissant comme très prometteuses dans les modèles animaux de mono-usage s’avèrent rarement transposables aux polyconsommateurs humains.

L’objectif principal de ce projet vise à essayer de combler ce fossé grâce au développement d’un modèle animal original de polyconsommation de substances. Comme indiqué précédemment, les profils de polyconsommation sont hétérogènes chez l’homme et notre projet n’a pas pour but de tous les étudier. Nous nous limiterons à l’étude de la polyconsommation d’alcool et de cocaïne en nous concentrant principalement sur l’influence du co-usage d’alcool sur le développement, le maintien et l’abstinence de la consommation de cocaïne. Nous espérons néanmoins que notre
approche et nos principaux résultats seront suffisamment généraux pour s’appliquer également à d’autres formes de polyconsommation. Brièvement, dans notre modèle, les rats auront un accès simultané à l’alcool et à la cocaïne pendant des périodes de temps prolongées au cours desquelles ils pourront co-utiliser ces deux substances librement. Cela leur donnera l’opportunité d’explorer et de tester différentes associations alcool-cocaïne avant de s’installer dans des profils de polyconsommation déterminés.

Dans l’ensemble, notre projet de recherche est conçu pour permettre la découverte des différents profils de polyconsommation d’alcool et de cocaïne, de leur développement, de leur fréquence relative, notamment en fonction du sexe, et, à plus long terme, de leur signature moléculaire dans le cerveau. Ce projet devrait également fournir d’importantes informations sur l’influence du co-usage d’alcool sur le développement initial, le maintien et l’abstinence de la consommation de cocaïne. Enfin, nous espérons que nos recherches sur la polyconsommation d’alcool et de cocaïne serviront
de point de départ à de nouvelles recherches sur d’autres formes de polyconsommation chez l’animal et qu’ensemble, ces recherches contribueront à améliorer l’applicabilité des résultats de la recherche animale à la réalité des polyconsommations humaines.