Psilocybine dans le trouble lié à l’usage de l’alcool avec dépression comorbide : une étude pilote
Résumé de soumission
Contexte
Jusqu’à 40 % des personnes souffrant de troubles liés à l’usage d’alcool (AUD) souffrent de dépression au cours de leur vie. La dépression est un facteur de risque de rechute précoce de l’AUD après un sevrage dans un environnement contrôlé. Des données très encourageantes suggèrent une efficacité de la psilocybine, traitement de type psychédélique, dans la dépression et dans l’AUD. La psilocybine, par son action immédiate après les effets aigus de l’expérience psychédélique qui dure environ 6h, semble être un médicament particulièrement intéressant pour prévenir les rechutes d’alcool chez les personnes récemment sevrées et souffrant de dépression comorbide. La perception publique de la psilocybine en tant que traitement est peu documentée en France. D’autre part, les changements très rapides du statut légal de la psilocybine dans plusieurs pays, la couverture médiatique d’essais récents dans la dépression et la récente désignation comme » thérapie innovante » par la FDA ont suscité un enthousiasme inattendu qui pourraient conduire au refus de la randomisation des personnes éligibles.
Il est donc essentiel d’évaluer la faisabilité et l’acceptabilité du traitement par psilocybine et du design randomisé en aveugle dans notre population clinique particulière de patients hospitalisés souffrant d’AUD et de dépression comorbide. Les données récentes suggèrent que la taille d’effet de la psilocybine devrait être beaucoup plus élevée que celle des traitements actuellement disponibles ; toutefois, ce changement de paradigme doit être confirmé dans notre population particulière de personnes souffrant d’AUD et de dépression comorbide, et dans le cadre d’un traitement en ajout du soin habituel, par une estimation de la taille d’effet attendu sur la base de données réelles issues d’une étude pilote. Cela permettra de calculer précisément la taille de l’échantillon pour un essai clinique randomisé à grande échelle. Enfin, les mécanismes d’action potentiels de la psilocybine pour prévenir les rechutes dans l’AUD avec dépression comorbide après un sevrage doivent être documentés.
Objectifs
L’objectif de cette étude pilote est d’évaluer la faisabilité, l’acceptabilité, les mécanismes neuronaux et les résultats préliminaires d’efficacité de la psilocybine dans le traitement de l’AUD et de la dépression comorbide après sevrage, en complément du traitement habituel.
Hypothèse de recherche
Notre hypothèse est que deux administrations orales de 25 mg de psilocybine à trois semaines d’intervalle par rapport à un placebo inactif : 1 mg de psilocybine à trois semaines d’intervalle, en complément du traitement habituel, seront acceptables et faisables chez des personnes récemment sevrées souffrant d’AUD et de dépression comorbide, au moins trois semaines après leur dernière consommation d’alcool.
Méthodes
Nous proposons une étude pilote monocentrique en double aveugle randomisée 2:1 de 2 sessions expérimentales de 25 mg de psilocybine à 3 semaines d’intervalle vs placebo inactif (très faible dose de 1 mg de psilocybine) avec les mêmes conditions, en complément du traitement habituel, chez 30 patients hospitalisés souffrant de troubles liés à l’alcool et de dépression comorbide récemment sevrés. Nous évaluerons l’acceptabilité et la faisabilité du traitement et du design. Pour explorer les mécanismes d’action psychologiques et neuronaux de la psilocybine, nous procéderons à des évaluations psychologiques à T0 T1 (3 semaines), T2 (6 semaines), T3 (12 semaines) et à une électroencéphalographie pendant la session expérimentale (60 minutes pendant la 3ème heure) et à T0- T1 pendant l’état de repos. Nous évaluerons également les résultats liés à la consommation d’alcool et les scores de dépression à T0 et T3 (12 semaines) pour évaluer les résultats préliminaires d’efficacité. Les autres traitements et données de sécurité seront enregistrés à chaque temps.
Résultats attendus en termes de santé publique
Les AUD représentent un défi croissant de santé publique en raison de leur prévalence élevée. La dépression comorbide précipite les rechutes. Plusieurs méta-analyses ont fait état de la taille d’effet modérée des médicaments approuvés pour l’AUD et la dépression. La psilocybine, administrée en ajout du traitement habituel, pourrait améliorer le pronostic et aider à prévenir les rechutes.
Cette étude pilote fournira des paramètres pour une future étude à grande échelle : données sur l’acceptabilité et la faisabilité, résultats préliminaires d’efficacité. Elle explorera les mécanismes d’action de la psilocybine aux niveaux psychologiques et neuronaux.
Perspectives
La perspective est un essai clinique randomisé à grande échelle pour évaluer l’efficacité de la psilocybine dans l’AUD avec dépression comorbide. Si l’efficacité de la psilocybine est confirmée dans une future étude à grande échelle, cela pourrait signifier une amélioration très significative du pronostic de cette population après sevrage, moins de rechutes, avec un meilleur profil de sécurité.
Equipes du projet
Coordonnateur :
LUQUIENS Amandine
N° ORCID : 0000-0002-9402-442X
Structure administrative de rattachement : CHU de Nîmes
Laboratoire ou équipe : Département des addictions
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