Phénotypage cellulaire et moléculaire de formes graves d’allergies médicamenteuses (toxidermies sévères) : vers la création d’une première plateforme de données -omiques française.

Résumé de soumission

 
Les toxidermies (ou allergies cutanées retardées aux médicaments) sont fréquentes, elles surviennent par exemple chez 1 à 3 % des patients hospitalisés. Alors qu’elles se manifestent le plus souvent sous la forme d’exanthème maculo-papuleux bénin (EMP), d’évolution rapidement favorable, certains patients développent des formes beaucoup plus agressives appelées toxidermies sévères. Parmi elles, Le DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) se caractérise par une atteinte d’organes internes (hépatique, rénale) à l’origine d’un taux de mortalité allant jusqu’à 10 %, tandis que le syndrome de Stevens-Johnson (SSJ) et la nécrolyse épidermique toxique (NET) se manifestent par un décollement cutané pouvant être très étendu, mimant les tableaux de patients grands-brûlés admis en réanimation associé à une atteinte érosive des muqueuses. Le SSJ et la NET correspondent à une même entité mais de sévérité différente en fonction de la surface cutanée décollée. La NET, considéré comme la forme la plus grave a un taux de mortalité dépassant les 40 % et des séquelles constantes chez les patients survivants, responsables d’une profonde altération de la qualité de vie. À l’heure actuelle, il n’existe aucun traitement spécifique du SSJ/NET. La prise en charge implique l’arrêt du ou des médicaments incriminés et la réalisation de soins de support de la peau et des muqueuses atteintes. Les coûts économiques associés aux toxidermies sévères sont majeurs, comprenant notamment les frais liés à l’hospitalisation prolongée, le traitement des séquelles à long terme, la perte d’emploi touchant parfois les patients et le retrait possible du médicament. En France, les patients atteints de toxidermies sévères sont pris en charge au sein des centres de référence maladies rares, comme celui de Lyon où se déroulera cette étude (CRMR dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves).
Les toxidermies sévères peuvent être déclenchées par n’importe quel médicament, mais des découvertes récentes ont mis en évidence le rôle de certaines molécules HLA (Human Leucocyte Antigen). Ces associations sont cependant souvent spécifiques à certains groupes ethniques. La physiopathologie des SSJ/NET n’est aujourd’hui que peu comprise. Il a été démontré, y compris par notre groupe de recherche (Équipe Inserm Marc Vocanson, U1111-CIRI), que le SSJ/NET impliquait l’expansion des cellules T polycytotoxiques CD8+ de la peau producteurs de granulysine, un médiateur puissant contribuant à la destruction des tissus cutanés et muqueux. Cette expansion est corrélée de manière significative à la gravité de la maladie.
Pour garantir son succès, le projet SCARFACE ambitionne de réunir un consortium multidisciplinaire composé de spécialistes en allergologie, dermatologie, immunologie fondamentale, bioinformatique approfondie et imagerie tissulaire. Le projet s’appuie sur la valorisation de deux biobanques indépendantes : Allergobiothèque, qui a permis la collection des échantillons de 200 patients atteints de toxidermies sévères entre 2008 et 2017, et Immunopeau, une biobanque prospective créée en 2023 et certifiée selon la norme européenne en vigueur. Ce projet permettra d’aborder des questions scientifiques clés sur la physiopathologie des toxidermies sévères, décryptera leur environnement immunitaire respectif et permettra la construction d’une base de données des acteurs cellulaires et moléculaires mis en jeu, ouvrant la voie à des traitements innovants et à des outils de prévention.
Des technologies de pointe seront utilisées telles que le séquençage total de l’ARN cutané, le séquençage de l’ARN à l’échelle de la cellule unique (single cell RNA seq) couplé au séquençage du récepteur des cellules T (répertoire TCR), des essais cellulaires in vitro, ainsi que des méthodes automatisées pour quantifier à la fois les modifications histologiques et l’infiltrat immunitaire.
Le projet SCARFACE se structurera autour de trois objectifs majeurs :
Objectif 1 : Caractériser les signatures transcriptomiques et morphologiques cutanées des toxidermies (EMP, DRESS, SSJ/NET), étudier le paysage immunitaire à l’échelle de la cellule unique, analyser la spécificité, la fonction et les interactions des cellules T cytotoxiques CD8+ spécifiques des médicaments avec les autres cellules immunitaires environnantes.
Objectif 2 : Explorer l’implication de la neuroinflammation dans le SSJ/NET en comparaison aux autres toxidermies (en raison des douleurs cutanées spécifiques précédant le décollement épidermique chez les patients atteints de SSJ/NET), en se concentrant sur les interactions possibles entre neurones sensoriels et cellules immunitaires, les clusters neuro-immunitaires potentiels dans la peau et la signature neuro-inflammatoire dans le sérum des patients.
Objectif 3 : Créer et entretenir une plateforme publiquement accessible pour héberger l’ensemble des données -omiques générées par le projet, facilitant ainsi la collaboration au sein de la communauté scientifique dédiée à la recherche sur les toxidermies.
Concernant la faisabilité du projet, l’accès à plusieurs centaines d’échantillons de patients bien conservés (peau inclus en RNAlater ou en paraffine, cellules de bulles, PBMC et sérum par exemple) ainsi qu’aux données cliniques associés, est garanti. Les technologies utilisées sont entièrement maîtrisées par nos équipes de recherche et l’environnement scientifique est excellent. Le projet SCARFACE est un effort collaboratif qui permettra d’aborder de manière globale et non biaisée la complexité des toxidermies sévères. Cette initiative devrait permettre de progresser sur la compréhension des mécanismes sous-tendant chaque toxidermie. Avant tout, nous croyons qu’il contribuera à développer des traitements efficaces pour freiner ces complications potentiellement mortelles et débilitantes. Enfin, ce travail aboutira très certainement à des publications scientifiques de haut niveau et au dépôt de brevets.

Equipes du projet

Coordonnateur :

TAUBER Marie

N° ORCID : 0000-0001-6245-7442

Structure administrative de rattachement : Inserm

Laboratoire ou équipe : Centre International de Recherche en Infectiologie - Inserm U1111

N° RNSR : 201320572J


Autres équipes participantes :

Responsable de l'équipe 2 : GAUDENZIO Nicolas
Inserm U1291 Infinity CHU Purpan Toulouse


Responsable de l'équipe 3 : JULLIEN Denis
Centre de Référence des dermatoses bulleuses toxiques et toxidermies graves, Service de Dermatologie


Responsable de l'équipe 4 : TRAVERSE-GLEHEN Alexandra
Centre de Ressources Biologiques Hôpital Lyon Sud


Responsable de l'équipe 5 : GILIBERT Sophie
Association pour la Recherche Clinique et Immunologique (ARCI) – LYON RECHERCHE CLINIQUE (LyREC)


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