Impact du repérage précoce associé à une intervention brève par le pharmacien d’officine sur la déprescription des benzodiazépines et apparentés, chez les patients adultes consommateurs chroniques

En France, la consommation de benzodiazépines (BZD) et de médicaments apparentés (Z‐drugs : zolpidem, zopiclone) est estimée à 13,4 % en 2015 (1) et l’augmentation de l’utilisation des médicaments anxiolytiques et hypnotiques s’est encore amplifiée en 2021 : +1,3 million de traitements anxiolytiques délivrés sur les 4 premiers mois de 2021 par rapport à l’attendu et +580 000 traitements hypnotiques délivrés sur la même période. En parallèle, les instaurations de traitements anxiolytiques (+15%) et hypnotiques (+26%) sont en très forte croissance en 2021 (2). L’utilisation à long terme de BZD/Z est discutable en raison de la survenue d’effets indésirables et de l’installation rapide d’un mécanisme de tolérance (3),(4),(5). Plusieurs actions de santé publique ont été menées en France pour réduire l’utilisation des BZD/Z, telles que l’information des professionnels de santé sur les risques, les pictogrammes sur les boites des médicaments, les directives des autorités sanitaires, les mesures incitatives de l’Assurance Maladie et les mesures réglementaires pour contrôler la prescription.

Même si des programmes éducatifs structurés ont montré leur efficacité pour réduire la
consommation de BZD/Z, en particulier chez les personnes âgées, ils pourraient être trop longs et complexes pour être mis en œuvre dans la pratique. Les pharmaciens d’officine entretiennent des relations de confiance avec la population ce qui leur permet d’identifier les situations de consommation chronique de médicaments et, si nécessaire, d’intervenir en collaboration avec le médecin prescripteur.
Nous pensons qu’une intervention brève réalisée par un pharmacien d’officine pourrait être efficace et facile à mettre en œuvre pour améliorer la déprescription de BZD/Z chez les patients adultes consommateurs depuis plus de 6 mois.

La Haute autorité de santé (HAS) a créé des outils de repérage précoce et d’intervention brève (RPIB) permettant aux professionnels de santé de soins primaires d’identifier et d’aider leurs patients en situation de dépendance à des substances psychoactives (6). Ces outils permettent :

• D’évaluer précocement la consommation de substances psychoactives et le risque associé,
• De proposer une intervention brève pour les consommateurs à risque,
• De fournir un soutien à long terme pour encourager la réduction ou l’arrêt de la
  consommation.

Nous proposons de mener une étude clinique randomisée en clusters de type stepped wedge, contrôlée, ouverte, multicentrique, évaluant l’impact d’un RPIB mené par des pharmaciens d’officine, en collaboration avec les prescripteurs, sur la consommation de BZD/Z et la sévérité de l’anxiété, chez les adultes consommateurs depuis au moins 6 mois. Une période initiale de « contrôle » (pratique habituelle) sera suivie d’une période de formation, puis d’une seconde période « expérimentale ». Le moment où chaque groupes prédéfinis de pharmacies d’officine passera d’une période à l’autre sera randomisé. La durée totale prévue des inclusions est de 26 semaines : tous les centres seront en période de contrôle pendant les 4 premières semaines de l’étude et tous dans la période expérimentale pendant les 4 dernières semaines. Entre les deux, il y aura des périodes de formation de 2 semaines, chacune d’entre elles comprenant la formation de 4 centres supplémentaires. Tous les patients seront suivis pendant 12 mois.

Cette étude pourrait montrer qu’un RPIB réalisé en pharmacie d’officine et en collaboration interprofessionnelle, réduit la consommation en BZD/Z des patients consommateurs chroniques, sans impacter la sévérité de leur anxiété. Ces résultats attendus en vie réelle valoriseront cette intervention aujourd’hui peu utilisée en soins courants, et systématiseront le repérage et l’accompagnement de ces patients par les professionnels de santé de ville.