Masculinités, santé et parcours de vie

Contexte
La recherche sur les déterminants sociaux de la santé a gagné en pertinence lorsqu’elle a commencé à inclure, dans les années 1980, une perspective de genre. Des analyses ont montré, outre des inégalités entre la santé des femmes et la santé des hommes, l’importance qu’il y avait à interroger les biais de genre dans la prévention de diverses pathologies, qu’il s’agisse de pathologies de la sexualité (et notamment du VIH, des hépatites et des IST), de pathologies de santé mentale (tendances suicidaires, dépressions) ou de diverses maladies pour lesquelles le rapport au corps et à la santé semblait impliquer des comportements de santé variant selon le sexe. Au départ, focalisée sur la santé des femmes, l’approche genrée de la santé s’est progressivement étendue aux hommes. Les travaux fondateurs de Will Courtenay (2000) sur le cancer de la peau et sur la spécificité des comportements préventifs des hommes à la suite de ceux de Raewyn Connell et Susan Kippax (2014 [1990]) sur la masculinité et le VIH/sida ont tracé une voie encore peu empruntée par la recherche française (tant en sociologie qu’en santé publique).

Objectifs
Notre recherche vise à élaborer une réflexion transversale sur la santé des hommes à partir d’une analyse sociologique des parcours de vie. Nous cherchons à comprendre comment les déterminants de santé et divers risques opèrent dans le rapport qu’entretiennent les hommes à leur santé, mais également dans la manière dont les institutions de santé pensent leur action de prévention, de promotion de la santé et de prise en charge à leur égard.

Méthodes
La recherche, exploratoire, fonctionnera dans un premier temps par construction d’études de cas centrées sur trois grands moments des parcours de vie masculins : l’adolescence, l’âge adulte et la vieillesse. Ces études porteront plus spécifiquement sur (1) le rapport des adolescents à la prévention des risques sexuels, de la violence, des addictions et des risques routiers ; (2) sur l’implication des hommes adultes dans la parentalité et les soins aux enfants, et la manière dont ils y intègrent des normes de prévention ; (3) et enfin, pour observer des situations semblant traduire des normes de prévention efficaces, sur le vieillissement des hommes gays en bonne santé. Ces études de cas croiseront entretiens semi-directifs et biographiques (n=3×10), focus groups (n=3) et analyses des politiques publiques. Elles feront l’objet d’une discussion collective au sein de l’équipe (séminaire mensuel de recherche, plate forme numérique semi ouverte en support à l’étude pilote et au séminaire) et d’un travail de synthèse tout au long de la recherche, qui débutera par la rédaction d’une revue de littérature internationale. L’enjeu méthodologique principal consiste à mettre en lumière des logiques communes quant à l’influence de la construction du masculin dans le rapport à la santé et aux risques afférents, et ce à partir de diverses catégories de publics cibles des politiques de santé. Il s’agit aussi de faire dialoguer les disciplines, en associant étroitement approche sociologique et analyse des stratégies d’action en santé publique.

Perspectives
Quasiment absente des sciences sociales de la santé en France, cette approche innovante des déterminants genrés de la santé permettra de construire un projet de recherche de grande ampleur (ANR) sur les parcours de vie, les masculinités et la santé. Ce projet, porté par une équipe de jeunes chercheurs et de chercheurs confirmés dans le champ, permettra de nourrir la réflexion sur les stratégies spécifiques à éventuellement adopter à destination des hommes en matière de prévention/promotion de la santé.