Marqueurs biopsychosociaux de l’addiction chez les usagers d’opioïdes : une approche intégrative

Résumé de soumission

Contexte scientifique
Le trouble de l’usage d’opioïdes (TUO) est une maladie chronique, définie par l’utilisation compulsive d’opioïdes. Au cours des dix dernières années, les États-Unis ont été confrontés à une augmentation spectaculaire de la prévalence du TUO et des décès par overdose. En France, de la même manière, les dommages liés au TUO augmentent actuellement, et représentent un enjeu de santé publique majeur.
Au cours des dernières décennies, il a été montré que le TUO résulte des effets conjugués de nombreux facteurs, qui peuvent être identifiés et caractérisé dans des domaines aussi variés que la psychiatrie, la sociologie et la neurobiologie. Cette grande pluralité s’est cristallisée sous la forme d’un modèle physiopathologique ambitieux, dit « biopsychosocial », dont la pertinence est bien documentée pour chacune de ses composantes individuelles, mais dont la portée globale a été très peu abordée, de façon surprenante.
Plus récemment, l’épigénétique comportementale s’est constituée comme une discipline prometteuse pour identifier des mécanismes moléculaires permettant de mieux comprendre comment les facteurs psychiatriques et sociologiques, tout au long des expériences de la vie, façonnent l’activité des gènes, ainsi que le fonctionnement du cerveau et la régulation des émotions.
Sur ces bases, nous proposons ici un projet multidisciplinaire, fruit de la collaboration de médecins, sociologues et neuro-épigénéticiens. Nous caractériserons simultanément les facteurs psychiatriques et sociaux essentiels, dans une large cohorte d’individus couvrant l’ensemble des niveaux de sévérité du TUO. En couplant ces évaluations complètes avec la caractérisation de biomarqueurs sanguins épigénétiques, notre objectif est d’apporter une compréhension nouvelle et approfondie des déterminants de la sévérité du TUO.

 

Hypothèses et objectifs
Ce projet est fondé sur 3 hypothèses :
1) Les facteurs psychosociaux contribuent conjointement à la sévérité du TUO ;
2) Les mécanismes épigénétiques, mesurés dans des tissus périphériques tels que le sang, sont des biomarqueurs qui pourraient révéler les processus physiopathologiques se produisant notamment sous l’action de facteurs psycho-sociaux ;
3) Les mesures de la sévérité du TUO qui combinent facteurs psychosociaux et biomarqueurs épigénétiques pourraient améliorer notre capacité à décrire la sévérité et à prédire l’évolution clinique du TUO.

Objectif 1. Caractériser systématiquement la sévérité du TUO (critères DSM-5) et des facteurs psychosociaux chez 300 patients atteints de TUO, recrutés par le biais des salles de consommations à moindre risque (SCMR), auxquelles nous avons un accès privilégié, et des autres centres de soins pour usagers de drogues (CSAPA, CAARUD, Centre d’Etude et de Traitement de la Douleur). Le recrutement au sein des SCMR nous permettra de cibler les patients atteints de TUO à haut risque psychosocial, qui étaient largement hors d’atteinte des études précédentes, et de les comparer à des patients stabilisés, couvrant ainsi un large spectre de la sévérité de la maladie ;

Objectif 2. Examiner la régulation épigénétique (méthylation de l’ADN) et l’expression des gènes de l’ensemble du génome, dans des échantillons sanguins collectés pour l’ensemble des sujets, au moment de l’inclusion dans l’étude ; puis, de caractériser les relations de ces mesures moléculaires avec la sévérité du TUO et des facteurs psychosociaux ;

Objectif 3. Suivre l’évolution de la sévérité du TUO et des facteurs psychosociaux sur une période de 2 ans, afin de déterminer dans quelle mesure elle peut être prédite par les profils moléculaires caractérisés à l’inclusion.

 

Méthodes
Des interviews seront menées autour de 4 facteurs psychiatriques (autres addictions, dépression, anxiété, trouble de stress post-traumatique) et 5 facteurs sociaux (soutien et statut social, expériences traumatiques, logement, emprisonnement, accès aux soins). La consommation d’opioïdes sera mesurée chez tous les sujets, à l’aide de questionnaires complétés par des examens toxicologiques (spectrométrie de masse). Enfin, la méthylation de l’ADN et l’expression des gènes seront caractérisées par séquençage à haut-débit (RREMseq et séquençage 3’ de l’ARN), à partir de petits échantillons de sang prélevés au doigt.

Impact sur la santé publique
Les patients atteints d’un TUO grave et actif sont longtemps restés hors de portée du système de santé français. Grâce à un recrutement dans divers centres, en particulier les SCMR, d’usagers ayant des profils et des trajectoires de consommation variés, combiné à une évaluation psychosociale multidimensionnelle et une épigénomique de pointe, ce projet devrait permettre de mieux comprendre ce qui détermine la sévérité du TUO.

 

Perspectives
Dans une perspective de médecine personnalisée, notre projet pourrait contribuer à identifier les profils psychosociaux et épigénétiques des patients atteints de TUO les plus à risque, qui pourraient bénéficier d’interventions plus intensives.

Equipes du projet

Coordonnateur :

LALANNE-TONGIO Laurence

N° ORCID : 0000-0002-7012-7037

Structure administrative de rattachement : Faculté de médecine de Strasbourg/Hôpitaux universitaires de Strasbourg

Laboratoire ou équipe : INSERM 1114

N° RNSR : 201322782L


Autres équipes participantes :

Responsable 2 : JAUFFRET ROUSTIDE Marie
Cermes3 CNRS UMR 8211, INSERM U 988, EHESS, Université Paris Descartes


Responsable 3 : LUTZ Pierre-Eric
CNRS INCI UPR 3212 Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives - Douglas Hospital Research Centre, McGill University, Canada


Responsable 4 : ROLLAND Benjamin
Centre de Recherche en Neuroscience de Lyon (CRNL) Service Universitaire d'Addictologie de Lyon (SUAL) - CH Le Vinatier Hospices civils de Lyon


Responsable 5 : AVRIL Elisabeth et WAECKER Gauthier
Gaia et Ithaque


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