La critique ordinaire des usagers en santé mentale : du processus d’émergence et de traitement des plaintes au sein des établissements à leurs effets sur l’institution

Résumé de soumission

CONTEXTE
Le processus de démocratisation en santé engagé en France depuis les années 2000 sous l’impulsion des lois du 2 janvier et du 4 mars 2002 a promu des dispositifs censés favoriser l’expression du point de vue des usagers au sein des établissements sanitaires et médico-sociaux. Mais dans quelle mesure la voix des usagers y est-elle effectivement exprimée, représentée et entendue ? Qu’en est-il en dans le domaine de la santé mentale, du handicap psychique et de la perte d’autonomie où les capacités critiques et à se saisir de leurs droits des personnes peuvent se trouver fragilisées, où (en raison d’un trouble psychique ou cognitif) les ressources sociales pour contester et être entendu sont parfois limitées, et où le soin peut prendre des formes particulièrement contraignantes ? Dans ce contexte, quel rôle jouent l’entourage des usagers et les instances de médiations dans le processus d’émergence et de traitement des plaintes (dans un sens soutenant ou empêchant) ?

 

OBJECTIFS
Nous proposons une recherche sociologique essentiellement qualitative sur les conditions d’expression et de réception par l’institution de l’activité critique des usagers au sein d’établissements sanitaires et médico-sociaux. Son originalité tient tout d’abord dans le fait de se centrer sur les domaines de la santé mentale, du handicap psychique et de la perte d’autonomie, traversés par la tension entre injonction normative à la réception de la plainte et disqualification des compétences critiques d’usagers aux capacités altérées (ou supposées telles). En outre, en saisissant l’activité critique des usagers dans leur environnement que sont les établissements, cette étude traite la plainte non comme un objet statique, mais comme un processus, incluant ce qui ne parvient pas jusqu’à une formalisation traitable par l’institution. Enfin, elle aborde les conditions d’expression et de réception de l’activité critique des usagers dans des établissements et services dont les publics et les professionnels présentent des contrastes intéressants : hôpital psychiatrique et établissement accueillant des personnes âgées. Pour les uns et les autres, une attention spécifique sera portée aux majeurs protégés sous tutelle ou curatelle.
Ce faisant, la recherche poursuit trois objectifs principaux : 1/ un objectif socio-ethnographique : éclairer la place de la critique et du respect des droits des personnes dans le processus thérapeutique et d’accompagnement 2/ un objectif socio-juridique : éclairer les conditions dans lesquelles des usagers aux capacités fragilisées parviennent à s’approprier leurs droits 3/ un objectif socio-politique : éclairer les conditions d’une meilleure considération de la critique des usagers par les institutions, de l’effectivité concrète des droits fondamentaux des usagers et d’un approfondissement de la démocratie en santé.

 

METHODES
La méthodologie inclut plaintes officielles et plaintes informelles de manière à comprendre les processus et le travail des différents acteurs (usagers et professionnels) permettant une élaboration et une éventuelle publicisation de la critique par les usagers, ainsi que sa prise en compte par les institutions. Nous reprenons ici l’acception de la « plainte » développée par la sociologie pragmatique comme expression d’une critique et non dans son sens strictement juridique. L’axe 1 porte sur ce que l’institution fait à la critique, c’est-à-dire sur le processus par lequel une critique devient une plainte recevable pour l’institution. Il étudiera les dispositifs d’accueil des réclamations et leurs effets sur l’activité critique des usagers, qu’ils soient facilitateurs ou sources d’empêchement.
L’axe 2 se penche sur ce que la critique fait à l’institution. Il mettra en évidence la manière dont la critique, dans les formes variées qu’elle peut adopter, parvient à infléchir les pratiques et fonctionnement de l’institution.
L’enquête allie plusieurs techniques : l’ethnographie des énonciations, écrits et situations de production/réception de plainte, des entretiens semi-directifs et des focus groupes avec des usagers (personnes directement concernées, aidants, représentants…) et avec les professionnels (soignants et administratifs), ainsi qu’une analyse qualitative (comprenant des éléments de quantification) de corpus de réclamations écrites reçues par les établissements enquêtés.
Un spécialiste de l’éthique collaborera pour discuter des résultats au regard du droit positif et des normes en vigueur.

 

PERSPECTIVES
Les retombées attendues de la recherche concernent l’amélioration de la prise en compte du point de vue des usagers par les institutions qui les accueillent, dans l’objectif d’une plus grande effectivité de la démocratie dans l’univers de la santé mentale, de la perte d’autonomie et du handicap.

Synthèse finale du projet

Productions scientifiques et communications (Liste non exhaustive)

Articles scientifiques dans des revues à comité de lecture :

1. Velpry L., Vidal-Naquet, P., 2019, « Dans l’ordinaire de l’aide et du soin : la prudence éthique », Revue française d’éthique appliquée, vol. 7, no. 1, pp. 28-42.
https://www.cairn.info/revue-francaise-d-ethique-appliquee-2019-1-page-28.htm

 

Articles de vulgarisation :

1. Velpry L., Vidal-Naquet P., 2019, « L’insaisissable consentement et les limites de la démocratie sanitaire », The Conversation.
https://theconversation.com/linsaisissable-consentement-ou-les-limites-de-la-democratie-sanitaire-125840

 

2. Fillion E., 2020, « Confinement : quel impact dans les établissements pour personnes âgées et handicapées ? », The Conversation.
https://theconversation.com/confinement-quel-impact-dans-les-etablissements-pour-personnes-agees-et-handicapees-134561#:~:text=%C2%AB%20Ils%20ont%20%C3%A0%20peine%20l,ils%20ne%20sont%20pas%20%C3%A9quip%C3%A9s).

 

Communications lors de colloques :

1. Fillion E., Saetta S., Vidal-Naquet P., « Substituer une ’éthique de situation’ à une éthique normative a priori », Colloque international Éthique de la recherche en terrains sensibles : enjeux épistémologiques et pratiques, 2-3 décembre 2021, Paris-Aubervilliers.

 

2. Saetta S. « Prise en compte du point de vue de l’usager en psychiatrie : présentation d’une étude sur les doléances de patients hospitalisés au sein d’une UHTP ». Congrès Français de Psychiatrie, 2ème journée « Sciences Infirmière Recherche Paramédicale », Nice, 4-7 décembre 2019 (Environ 1000 participant·e·s).

 

3. Saetta S., Marques A., Fillion E., Vidal-Naquet P., «La critique ordinaire des usagers en santé mentale : processus d’émergence et de reconnaissance des savoirs expérientiels au sein des établissements sanitaires et médico-sociaux », Colloque « Injustices épistémiques : comment les comprendre, comment les réduire ? », GT 21 de l’AISLF, Namur (Belgique), 7-8 février 2019 (Environ 300 participant·e·s).

 

4. Saetta S., Marques A., «Ce que la vulnérabilité fait à la plainte et ce que la plainte fait à la vulnérabilité ». Colloque « Psychiatrie et vulnérabilité : Nouvelles missions », Association Rive, Neuilly-sur-Marne, 20-21 juin 2019 (Environ 200 participant·e·s).

Equipes du projet

Coordonnateur :

FILLION Emmanuelle

N° ORCID : 0000-0003-0286-4315

Structure administrative de rattachement : Ecole des hautes études en santé publique

Laboratoire ou équipe : ARENES/CRAPE (UMR 6051)

N° RNSR : 200012142C


Autres équipes participantes :

Responsable 2 : EYRAUD Benoît
Université Lyon 2, Centre Max Weber (UMR 5283)


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