Décomposer les mécanismes épigénétiques cérébraux des polyconsommations

Résumé de soumission

Contexte scientifique

 

Le trouble de l’usage de substances (TUO) se caractérise par la consommation irrépressible de composés psychoactifs malgré de lourdes conséquences. Il s’associe à des comorbidités somatiques et psychiatriques fréquentes, avec un risque augmenté de suicide, et constitue un problème de santé publique majeur. Les substances psychoactives présentent des cibles moléculaires distinctes, et entrainent des modifications neurophysiologiques et comportementales variées. Néanmoins, elles produisent toutes des effets récompensant, via l’augmentation de la transmission dopaminergique dans le noyau accumbens, une des structures cérébrales où leurs effets convergent. De plus, leur consommation prolongée induit une symptomatologie définie par un ensemble de critères diagnostiques communs. Alors que les bases cliniques et neurochimiques de ce modèle unitaire de l’addiction sont bien établies, on sait cependant très peu de choses sur les mécanismes génomiques et moléculaires impliqués, en partie en raison de la difficulté à conduire des analyses de tissus cérébraux humains. Ici, en nous appuyant sur notre accès privilégié à la banque de cerveaux Douglas Bell Canada (DBCBB), nous proposons d’aborder cette question fondamentale en combinant des approches chez l’homme et chez l’animal, et en nous focalisant sur les processus épigénétiques. Ces processus, notamment la méthylation de l’ADN, constituent une forme de mémoire moléculaire qui pourrait jouer un rôle psychopathologique important. Chez l’homme, nous étudierons des tissus cérébraux d’une large cohorte d’individus avec TUO (N=100), composée de polyconsommateurs et de sujets dépendants de 4 drogues (alcool, cocaïne, cannabis, opioïdes). Chez la souris, nous conduirons des expériences d’administration de chacune de ces drogues, afin de décomposer leurs contributions respectives aux effets observés chez l’homme. Nous identifierons ainsi des adaptations épigénomiques recrutées conjointement par plusieurs substances, susceptibles de correspondre aux processus moléculaires centraux du TUO. Enfin, nous conduirons chez la souris des études mécanistiques centrées sur ces adaptations, afin d’approfondir la compréhension des principes de régulation épigénétique potentiellement à l’œuvre. Toutes nos études porteront sur des nombres équivalents d’hommes et femmes, et de souris mâles et femelles. Ainsi, ce projet élargira nos résultats préliminaires, qui documentent des différences liées au sexe extrêmement fortes dans les effets épigénétiques cérébraux des opioïdes.

 

Hypothèse, méthodes et objectifs

 

Nous faisons 2 hypothèses principales :

1) Les drogues d’abus induisent des modifications épigénétiques cérébrales contribuant au TUO ;
2) Ces modifications se caractérisent par une forme de convergence entre différentes drogues d’abus, et entre hommes et femmes.

 

Objectif 1. Par séquençage haut-débit, de caractériser la méthylation de l’ADN et l’expression des gènes dans des tissus cérébraux d’individus avec TUO (N=50 ; 25 hommes, 25 femmes), et de sujets sains (N=50 ; 25 hommes, 25 femmes), en utilisant les approches de ‘RNA-Sequencing’ et ‘Enzymatic Methylation Sequencing’. Les tissus proviendront de la DBCBB, avec qui nous avons déjà constitué cette cohorte. Nous identifierons la signature épigénétique du TUO, définie comme une collection de
changements de l’expression des gènes et de la méthylation de l’ADN entre patients et contrôles.

 

Objectif 2. De conduire des analyses similaires chez la souris, suite à l’administration des 4 drogues d’abus les plus fréquemment consommées dans notre cohorte humaine (opioïdes, cocaïne, alcool, cannabis). Cela permettra de renforcer les liens entre plasticité épigénétique et TUO mis en évidence lors de l’objectif 1, et de décomposer les contributions respectives de chaque drogue dans ces effets.

 

Objectif 3. D’identifier 2 groupes de gènes, définies comme des ‘modules, et 2 gènes ‘pivots’ au sein de ces modules, qui sont les plus fortement associés au TUO ou impactés par l’exposition aux drogues d’abus. Puis nous utiliserons 2 approches complémentaires : la délétion des enzymes responsables de la méthylation de l’ADN, ou la manipulation des 2 gènes ‘pivots’ (1 gène choisi chez le mâle, l’autre chez la femelle), afin de caractériser les processus moléculaires qui sous-tendent les perturbations par les drogues d’abus de ces modules et gènes.

 

Résultats attendus

 

Cette étude sera la première à caractériser la plasticité épigénétique cérébrale associée au TUO et aux polyconsommations, dans l’ensemble du génome, en plaçant les différences liées au sexe au centre de son approche. Nous identifierons ainsi les mécanismes épigénétiques du TUO, et leurs divergences éventuelles entre hommes et femmes.

 

Perspectives

 

A long terme, ce projet pourrait ouvrir des perspectives innovantes pour le développement de biomarqueurs moléculaires, et dévoilera des cibles nouvelles pour les approches thérapeutiques basées sur la manipulation, ou « édition », de l’épigénome.

Equipes du projet

Coordonnateur :

LUTZ Pierre-Eric

N° ORCID : 0000-0003-3383-1604

Structure administrative de rattachement : Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)

Laboratoire ou équipe : "Institut des Neurosciences Cellulaires et Intégratives, INCI CNRS UPR3212"

N° RNSR : 200918500Z


Autres équipes participantes :

Responsable 2 : DARCQ Emmanuel
INSERM U1114


Responsable 3 : BARDET Anaïs
IGBMC, CNRS UMR7104


Responsable 4 : CHAUMETTE Boris
Institut de Psychiatrie et de Neurosciences, INSERM U1266


Responsable 5 : TURECKI Gustavo
Université McGill, Douglas Hospital


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