De la prise de risque au jeu pathologique : Les réseaux périneuronaux du cortex préfrontal comme substrats neurobiologiques des comportements addictifs.
Résumé de soumission
La prise de décision risquée peut passer d’un état adaptatif à un état pathologique, caractéristique des addictions comportementales, mais les mécanismes neuronaux mis en jeu sont encore très mal connus. Comme dans d’autres formes d’addiction, la transition vers des états pathologiques avec une perte du contrôle exécutif est critique. Les signaux audiovisuels sont bien connus pour leur effet stimulant sur les choix risqués, comme c’est le cas dans les casinos modernes, qui peuvent ainsi potentialiser fortement le jeu pathologique. Ces addictions comportementales sont susceptibles d’être sous-tendues par des dysfonctionnements neuronaux associés à des fonctions exécutives inadaptées au sein des zones préfrontales qui sont jouent un rôle clé dans ces processus.
Nous proposons dans ce projet émergent d’initier un effort collaboratif innovant visant à modéliser la prise de décision adaptée et inadaptée chez le rat, avec la perspective d’identifier des mécanismes neuronaux qui peuvent expliquer la transition vers des comportements de jeu pathologiques. Les deux partenaires proposent donc d’unir leurs efforts et leurs données préliminaires pour développer une nouvelle approche pour aborder cette question majeure.
Notre premier objectif est de concevoir un paradigme comportemental chez le rat nous permettant d’étudier finement le continuum entre des choix risqués mais optimaux et la prise de risque inadaptée, caractéristique du jeu pathologique. Notre approche consiste à offrir aux animaux le choix entre une option sûre (appuyer sur un levier) qui rapporte une récompense alimentaire garantie mais faible (1 pastille) et une option plus risquée (appuyer sur l’autre levier) qui peut rapporter une récompense alimentaire beaucoup plus importante (4 pastilles) mais avec différentes probabilités manière probabiliste. En manipulant le niveau de risque, nous pouvons mettre en place une situation dans laquelle les choix risqués sont plus avantageux (par exemple, 75 % ou 50 % de chances d’obtenir 4 pastilles contre 100 % de chances d’en obtenir 1) ou, à l’inverse, une situation dans laquelle l’animal devrait favoriser les options sûres (par exemple, un niveau de risque de 12,5 % pour la plus grande récompense). Nos résultats préliminaires indiquent des animaux bien entraînés adaptent leur comportement pour naviguer de manière optimale entre les options sûres et à risque en fonction des probabilités afin de maximiser leurs gains. Notre objectif est d’optimiser ce protocole pour tester l’ajout d’indices audiovisuels (lumières clignotantes et sons) lorsque les animaux sélectionnent des options risquées afin de dynamiser ces choix spécifiques. Notre hypothèse est que cette manipulation inhibera la capacité des rats de se désengager des choix risqués, même lorsqu’ils cessent d’être optimaux, indiquant ainsi une perte de contrôle suggérant le développement d’une addiction comportementale.
Nous rechercherons ensuite les substrats neurobiologiques des décisions risquées adaptées et inadaptées. Dans le cadre de ce projet d’amorçage, nous proposons d’une part de déterminer le rôle des zones préfrontales classiquement associées au contrôle exécutif, à savoir le cortex préfrontal médian et orbitofrontal. Nous utiliserons une approche pharmacogénétique pour explorer l’hypothèse selon laquelle l’interférence avec les fonctions préfrontales entraînera une transition vers le jeu pathologique, même sans indices audiovisuels. Parallèlement nous explorerons le rôle du remodelage synaptique et de la plasticité des microcircuits préfrontaux en étudiant l’expression des réseaux périneuronaux (PNNs), qui sont des éléments cruciaux de la plasticité corticale. Nous faisons l’hypothèse que l’augmentation de l’expression des PNN dans les zones préfrontales d’intérêt pourrait participer à l’émergence des trajectoires inadaptées chez les rats qui ont évolué vers le jeu pathologique.
En cas de succès, ce projet d’amorçage pourra ouvrir la voie à un programme plus ambitieux. Ainsi il sera crucial d’aborder la variabilité interindividuelle comme un facteur clé pour mieux comprendre la susceptibilité à développer ces comportements. Cette question ne peut être abordée de manière exhaustive dans le présent projet, et constitue un objectif à plus long terme. Ensuite, il s’agira de mieux définir les mécanismes au niveau des circuits qui peuvent entraîner l’addiction comportementale en considérant le rôle important des régions sous-corticales (thalamus, amygdale) qui sont des partenaires fonctionnels essentiels pour les zones préfrontales. Les deux équipes ont une grande expérience dans l’étude de ces régions et sont donc idéalement placées pour explorer de nouveaux mécanismes au niveau des circuits qui pourraient ouvrir de nouvelles voies pour une meilleure compréhension des addictions comportementales, avec une pertinence possible pour d’autres types d’addictions.
Equipes du projet
Coordonnateur :
LE MOINE Catherine
N° ORCID : 0000-0001-5242-8584
Structure administrative de rattachement : Université de Bordeaux
Laboratoire ou équipe : Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d’Aquitaine (INCIA) - CNRS UMR 5287 - Université de Bordeaux, CNRS - Université de Bordeaux
Autres équipes participantes :
Responsable de l'équipe 2 : BENOIT-MARAND Marianne
Laboratoire de Neurosciences Expérimentales et Cliniques-LNEC, Université de Poitiers
Dites-le nous !