Activité physique adaptée en addictologie : étude de la pratique des professionnels et de son appropriation par les usagers
Résumé de soumission
Cette recherche ambitionne de mener une approche originale combinant l’analyse des pratiques professionnelles en Activité physique adaptée (APA) et celle des trajectoires des usagers de substances. La mobilisation de l’APA dans la prise en charge des personnes souffrant d’addictions accuse un retard important vis-à-vis d’autres maladies chroniques en France, mais une place croissante lui est accordée allant de pair avec l’émergence d’un groupe professionnel (les enseignants d’activités physiques adaptées). Néanmoins, si ces activités sont pensées comme moyen de prévention des addictions, elles le sont beaucoup moins pour ce qui concerne le traitement de l’addiction. Elles semblent en outre recéler de pratiques et de conceptions diverses, en addictologie, à l’image des soins de support dans d’autres maladies chroniques. Notre projet porte sur deux ensembles de questions intimement liés. Le premier axe questionne la manière dont est pensés et organisée cette offre d’activités physiques, et les facteurs qui la font varier. Un deuxième axe vise à étudier les conditions sociales de l’appropriation de cette APA par les usagers sur la durée et particulièrement en dehors des institutions de soin.
Pour l’axe 1, qui s’appuie sur la sociologie des groupes professionnels, notre hypothèse structurante est qu’il existerait une dominance professionnelle qui tendrait à faire de l’APA une activité largement sous supervision médicale bien que localement négociée. Les configurations professionnelles associées aux trajectoires individuelles des enseignants en APA influenceraient la construction de l’offre d’APA et sa mise en œuvre. Cette mise en œuvre est dépendante, selon un principe d’ordre négocié, des usagers de substances qui en bénéficient. Dans un deuxième axe, qui s’appuie sur la sociologie des socialisations, nous faisons l’hypothèse que l’engagement dans l’APA ne peut être considérée au seul prisme de l’ « apprentissage » de techniques corporelles et de normes déclinées dans ces activités. Ces activités font aussi écho aux dispositions socialement construites de l’individu et à ses expériences passées, ainsi qu’à ses ressources sociales et corporelles que l’on sait inégalement réparties chez les usagers de substances.
Les deux axes reposent sur une approche ethnographique qui conjugue l’observation de dispositifs d’APA et des entretiens. Les terrains d’enquête seront diversifiés autour de quatre services de Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), trois Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA) et un Centre thérapeutique résidentiel (CTR) à l’intérieur desquels se déploient des projets en APA. Des enseignants d’APA prioritairement, mais également des professionnels de santé intervenant dans ces structures seront interrogés dans l’axe 1. Dans l’axe 2, des entretiens de type récit de vie seront réalisés avec les usagers qui participent à l’APA. La variété des prises en charge permettra d’interroger les singularités de la mise en œuvre de l’APA – et ce qui pèse sur ces variations – et les invariants. L’hétérogénéité des terrains favorisera également le recueil de la diversité des expériences d’APA dans la trajectoire de soin. Les usagers bénéficiant de ces dispositifs disposeront de propriétés sociales diverses et ils s’inscriront dans des trajectoires tout aussi diverses, nous permettant de comparer les modalités d’appropriation de l’APA selon leurs ressources et dispositions.
Ce projet apportera une meilleure connaissance des difficultés de mise en œuvre d’une activité relativement nouvelle, et dont la place, tout en étant évidente pour beaucoup, est finalement peu conceptualisée. Nous envisageons une construction très locale des dispositifs d’APA, et ce, malgré un cadre national. Ces contours restent donc largement négociables et variés. Plusieurs enquêtes faisant le constat d’un arrêt rapide de l’activité, nous ambitionnons de mieux connaître les difficultés d’appropriation de ce type de dispositifs par les usagers. Les effets des différentes formes de socialisation (sportives, à la santé, genrée), impliquant des déclinaisons du rapport au corps, seront ainsi mieux identifiés dans ce contexte particulier qu’est la prise en charge en addictologie, et dans l’APA en particulier.
La perspective fondamentale de notre étude vise à étayer les connaissances autour des usagers de substances dont l’appartenance sociale est hétérogène. Développer les études comparatives (ici d’usagers de substances) participent à la déclinaison des questionnements sur le gradient sanitaire entre les catégories sociales. De façon plus opérationnelle, les connaissances générées par cette étude visent à être partagées auprès des professionnels de l’APA et étudiants de la formation, mais aussi des professionnels de l’addictologie.
Equipes du projet
Coordonnateur :
LE HENAFF Yannick
N° ORCID : 0000-0002-9942-6081
Structure administrative de rattachement : Université de Rouen Normandie
Laboratoire ou équipe : DySoLab, Université Rouen Normandie
Autres équipes participantes :
Responsable de l'équipe 2 : TERRAL Philippe
Cresco, Université Toulouse 3
Responsable de l'équipe 3 : BOUTTET Flavien
APEMAC, Université de Lorraine
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