Accepter et résister aux aides. Avoir 75 ans et plus en ville et à la campagne

Ce projet d’amorçage s’inscrit dans le contexte démographique et social d’augmentation de la longévité
dont la conséquence est la “normalisation” de la vieillesse comme étape de la vie. Les grandes enquêtes
identifient l’âge de 75 ans comme le seuil à partir duquel les limitations fonctionnelles dans la vie
quotidienne deviennent majoritaires. Depuis les années 1980, cette étape de la vie se passe de plus en
plus à domicile, l’entrée en institution spécialisée se faisant de plus en plus tard, au-delà de 85 ans, et dans
un état de santé de plus en plus dégradé. Le maintien à domicile repose ainsi sur des aides, celles des
proches et celles des professionnel.le.s. Cependant, les recherches montrent que les aides informelles,
familiales ou de voisinage, sont plus fréquentes et qu’une bonne part des personnes qui font face aux
limitations dans la vie quotidienne affirment ne pas bénéficier d’aides.
Si les recherches en sociologie du vieillissement sont riches et nombreuses, aucune, à notre connaissance,
ne s’est penchée spécifiquement sur le non-recours aux aides professionnelles en France, mais plusieurs
ont pu mettre en lumière des résistances des personnes concernées ainsi que de leurs aidant.e.s. La
question de ce projet d’amorçage de recherche consiste à comprendre de quelle manière les personnes
de 75 ans et plus vivant à domicile et faisant face à des limitations dans les tâches de la vie quotidienne
restent à l’écart des aides professionnelles auxquelles elles auraient droit.
Ce projet d’amorçage aura ainsi pour objectifs et perspectives :
– Mener une enquête exploratoire sur deux territoires de Franche-Comté : un territoire urbain et
un autre, rural.
– Identifier des territoires d’enquêtes plus larges, en France, pour saisir de façon fine les freins au
recours aux aides professionnelles par des catégories sociales diversifiées, des lieux de vie
contrastés (rural, bourgs, rural isolé), et selon le genre.
– Réunir des organismes de recherche et d’action publique, dans 3 régions françaises pour
construire un projet solide à soumettre dans le cadre de l’AAP Autonomie 2026.
– Élaborer des méthodologies participatives avec des outils déjà expérimentés, mais qui doivent être
mis à l’épreuve des territoires et des populations investiguées.
L’enquête de terrain, portée par un laboratoire de recherche en socio-anthropologie et deux partenaires
institutionnels, Pôle de gérontologie et d’innovation Bourgogne-Franche-Comté et Promotion Santé
Bourgogne-Franche-Comté, profitera de la connaissance du maillage institutionnel territorialisé et de
l’expertise de recherche participative. La recherche sera menée sur deux territoires contrastés, l’un rural
et l’autre industriel. Elle articulera plusieurs méthodes. Premièrement, des observations seront menées
sur chacun des territoires afin de nouer des contacts avec les acteurs de proximité. Ensuite, nous
conduirons des entretiens avec les acteurs institutionnels du territoire. En même temps, nous déploierons
une méthode participative : 2 entretiens de groupe de 12 personnes âgées environ (N=48) sur chacun des
deux territoires retenus pour l’enquête. Ces entretiens de groupes seront étayés sur différents supports
sous forme de jeux de société. Ces techniques participatives permettent de recueillir non seulement
l’expérience propre des participant.e.s, mais aussi leur point de vue sur le fonctionnement de leur
territoire, leur connaissance ou non des dispositifs existants. Elles sont garantes d’une posture symétrique
avec les personnes âgées, en accordant une position visant l’égalité entre les enquêtés et les enquêteurs.
Les conclusions de ces focus-groupes viendront également alimenter le guide d’entretien. Enfin, nous
allons mener des entretiens par récits de vie et configurations d’aides. Sur chacun des deux territoires,
sera recueillie une douzaine de récits de vie focalisée sur le “travail biographique” des personnes de 75
ans et plus en lien avec leur avancée en âge et sur les configurations d’aides et leurs évolutions éventuelles.
Ces 24 personnes seront rencontrées à travers les commerces de proximité, les maires, les médecins
généralistes, les infirmières libérales, les lieux de sociabilité (foyer rural, repas des anciens, voire église),
et par la méthode dite de “boule de neige”. Nous veillerons à diversifier la population d’étude en termes
de genre, des catégories sociales et métiers exercés.