Quand grandir devient un problème, l’identification et la qualification des difficultés infantiles

Résumé en français (1 page maximum) :
 
S’il existe de nombreuses recherches sur l’école, les institutions de la petite enfance restent peu explorées en termes d’inclusion des enfants en situation de handicap. En effet, un certain nombre de troubles sont difficiles à détecter à un âge précoce, notamment à cause du caractère dynamique et évolutif du développement des enfants. Ainsi, les enfants rencontrant des difficultés au sein des équipements d’accueil du jeune enfant (notamment les crèches) sont rarement entrés dans une démarche diagnostique (et sont ainsi souvent invisibles dans les données quantitatives). Dans ce contexte, un modèle médical dominant incite à la détection précoce des troubles afin de favoriser les orientations médicales et les rééducations.
Cette recherche propose d’étudier d’un point de vue sociologique les processus d’identification et de qualification par les professionnelles[1] des crèches des difficultés rencontrées par les enfants. Le terme difficulté renvoi à la perception de situation comme étant problématique en amont d’une éventuelle qualification en terme de trouble. L’intérêt est de comprendre comment  se forment des inquiétudes à propos de certains enfants et comment ces inquiétudes sont partagées ou non vers d’autres espaces (familles, professionnels de santé, école…). Ces inquétues ont lieu dans un contexte d’incertitude, notamment du fait de la nature volatile des intéractions infantiles et des possibles désacords portant sur la signification à donner aux comportements des enfants. La méthodologie repose sur une approche mixte avec la conduite d’enquêtes ethnographiques dans cinq crèches (plus de 300 heures d’observations réalisées et retranscrites), des entretiens avec des professionnels (n=29) et des familles (n=31), complétés d’un volet quantitatif à partir des données de la cohorte Elfe.
Ce dernier, dont l’exploitation est en cours, montre une quasi-absence d’enfants (à 3,5 ans) pouvant être catégorisés comme étant en situation de handicap malgré la diversité des indicateurs disponibles. On repère toutefois des orientations vers des professionnels de santé, plus fréquentes chez les garçons.
L’enquête qualitative, dont le recueil et l’analyse des données sont achevés, montre que les inquiétudes à l’origine de ces orientations émergent dans un contexte d’incertitudes interactionnelles avec les enfants. Ces inquiétudes sont structurées tout d’abord par les types de savoirs mobilisés dans les crèches (qui diffèrent en fonction des orientations scientifiques des psychologues exerçant à la crèche), mais aussi par l’importance de l’anticipation de l’adaptation au cadre scolaire par les professionnelles (pouvant entraîner des retards d’orientation des enfants, voire leur maintien en crèche).
Cette recherche revêt une importance scientifique et politique en comblant un déficit d’informations sur les pratiques de repérage des troubles du développement des enfants. En examinant les interactions entre institutions et familles, elle permet de mieux comprendre les décalages et incompréhensions. Enfin, en réfléchissant aux effets du repérage précoce des troubles du développement, elle invite a pensé la question de la détection des troubles du dévloppement en mettant l’inclusion au premier plan.
 
 
 [1] Je féminise le terme lorsque je parle des professionnelles de la petite enfance qui travaillent dans les crèches, en effet la totalité des professionnelles de crèches observées lors de mon enquètes sont de sexe féminin.