Rôle des senseurs métaboliques dans l’activité physique compulsive dans l’anorexie mentale
Résumé de soumission
L’anorexie mentale (AM) est le trouble psychiatrique qui présente le taux de mortalité le plus élevé. L’AM se caractérise par une restriction alimentaire sévère qui conduit à une dénutrition chronique délétère, qui est aggravée par une hyperactivité physique compulsive, observée jusqu’à 80% des patientes. L’activité physique excessive est un facteur de gravité du trouble et contribue à la perte de flexibilité cognitive, qui est une des principales caractéristiques de la maladie, aggravant encore la compulsion. Il n’existe pas de traitement pharmacologique efficace à ce jour et le taux de rechute est élevé (40%), il est donc urgent de comprendre les mécanismes impliqués dans cette addiction comportementale. Bien que son étiologie reste largement inconnue, l’AM est maintenant reconnue comme une anomalie des processus de récompense. Les résultats de la dernière et de la plus grande étude d’association pangénomique sur l’AM, à laquelle l’équipe du coordinateur a contribuée, ont ouvert la voie à une re-conceptualisation de l’AM comme un trouble d’origine métabolique et psychiatrique. Notre projet se concentre donc sur le rôle des senseurs métaboliques, qui sont dérégulés par la restriction alimentaire chronique, dans le développement de l’hyperactivité compulsive dans l’AM. Parmi les senseurs métaboliques clés impliqués dans les circuits cérébraux contrôlant l’homéostasie énergétique et le codage de l’effet récompense, notre projet se concentre sur l’action antagoniste de la ghréline et du LEAP2, susceptibles de jouer un rôle clé dans la physiopathologie de l’AM.
La ghréline, est une hormone peptidique produite dans l’estomac dont les concentrations plasmatiques sont augmentées par l’état de jeûne et dans l’AM. Elle se lie au récepteur GHS (GHS-R), principalement exprimé dans les circuits neuronaux qui régulent l’équilibre énergétique et ceux impliqués dans la modulation de l’effet récompense. La ghréline est impliquée dans l’initiation des repas et la motivation alimentaire mais joue également un rôle dans l’addiction aux substances et probablement dans les addictions comportementales. Le LEAP2 (Liver Enzyme Exprimant le peptide antimicrobien) a récemment été identifié comme un antagoniste de la ghréline au niveau du GHS-R, inhibant la prise alimentaire chez les rongeurs. Nous avons récemment démontré que les concentrations plasmatiques de LEAP2 étaient anormalement élevées chez les patientes atteintes d’AM à l’état dénutri et chez les patientes en rémission instable (rechute de poids, six mois après la sortie d’hospitalisation), ce qui pourrait donc contrecarrer les effets de l’élévation de ghréline sur la motivation pour manger.
Dans ce projet, notre objectif est d’étudier le rôle de la ghréline, du LEAP2 et de l’équilibre ghréline/LEAP2 dans l’alimentation anormale et l’activité physique compulsive dans l’AM et leurs substrats neurobiologiques. Nous utiliserons une étude translationnelle et innovante utilisant i) des modèles animaux qui combinent une restriction alimentaire chronique et un accès libre à une roue d’activité, mimant la signature métabolique de l’AM, chez lesquels nous modulerons l’équilibre de ces senseurs métaboliques afin d’induire les anomalies de la récompense observées dans l’AM ; ii) une étude longitudinale chez des patientes hospitalisées atteintes d’AM, suivies à l’état dénutri et renourri, afin de corréler leur phénotype comportemental et leur profil neurocognitif avec l’équilibre de ces senseurs métaboliques dans le plasma. Nous allons également iii) étudier les mécanismes d’action de ces deux senseurs au niveau cérébral en mesurant leurs effets sur l’activité des neurones AgRP hypothalamiques et des neurones dopaminergiques du striatum ventral, en utilisant l’enregistrement par photométrie fibrée in vivo chez des animaux en train de courir.
Nous faisons l’hypothèse qu’en induisant une élévation chronique des concentrations plasmatiques de LEAP2, dans un contexte de restriction calorique (mimant ainsi l’équilibre ghréline/LEAP2 observé chez les patientes sous-alimentées), nous allons déclencher des symptômes de l’AM, notamment une augmentation de l’activité dans la roue et de la motivation à courir et une altération de l’activité des neurones AgRP et à dopamine. En ce qui concerne les données cliniques, nous anticipons que les patientes avec les concentrations plasmatiques de LEAP2 les plus élevées présentent le phénotype le plus marqué.
L’ambition de ce projet est ainsi d’identifier un lien mécanistique entre les senseurs métaboliques et les circuits de la récompense. Enfin, cette recherche pourrait permettre de caractériser une nouvelle cible pharmacologique dans la prise en charge des comportements compulsifs dans l’AM. Au-delà du contexte de l’AM, ces résultats pourront avoir des applications importantes pour comprendre les mécanismes neurobiologiques impliqués dans la compulsivité et pourraient donc bénéficier à d’autres troubles addictifs.
Equipes du projet
Coordonnateur :
TOLLE Virginie
N° ORCID : 0000-0003-4456-0002
Structure administrative de rattachement : Inserm DR Paris Nord
Laboratoire ou équipe : INSERM U1266 Equipe Pr Gorwood/Dr Ramoz « Vulnérabilité aux Troubles Psychiatriques et Addictifs »
Autres équipes participantes :
Responsable de l'équipe 2 : LUQUET Serge
Unité Biologie Fonctionnelle et Adaptative (BFA)
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