Implication des circuits de récompense intestin-cerveau dans la motivation accrue à consommer du sucre

Résumé de soumission

Dans notre société, la surconsommation de sucre est à l’origine de nombreuses maladies chroniques et est un enjeu de santé publique. Certains individus développent une consommation excessive de sucre et éprouvent une grande difficulté à contrôler leur consommation malgré la connaissance des effets néfastes sur leur santé. Une telle perte de contrôle rappelle un symptôme central de la toxicomanie : la poursuite de la consommation de drogue malgré un désir persistant d’arrêter. En raison de leur capacité à produire une sensation de récompense intense, certaines boissons sucrées peuvent donc être comparables à des drogues et ont un potentiel addictif, conduisant à une surconsommation incontrôlée et à l’obésité chez certaines personnes.
Des travaux ont montré que le sucre exerce ses effets récompensants non seulement par l’intermédiaire des voies gustatives, mais également via des voies post-ingestives (i.e., la signalisation inconsciente et intéroceptive provenant de l’épithélium intestinal et de la veine porte hépatique). Les voies gustatives et post-ingestives induisent la libération de dopamine mésolimbique via le circuit noyau caudal du tractus solitaire (cNTS)→aire tegmentale ventrale (VTA)→striatum ventral (VS), tandis que la voie purement post-ingestive déclenche la libération de dopamine nigrostriatale via le circuit cNTS→noyau parabrachial dorsolatéral (dlPBN)→Substantia nigra pars compacta (SNPc)→striatum dorsal (DS). En modulant à la fois les voies dopaminergiques, la préférence pour le sucre et l’apprentissage par renforcement, l’axe intestin-cerveau fait partie intégrante du circuit de la récompense.
Récemment, il a été proposé que la motivation inconsciente induite par les sucres, et détectée par la voie intestin-cerveau, constituerait la principale cause de surconsommation de sucre. Compte tenu des spécificités des circuits cNTS→dlPBN→SNPc→DS et cNTS→VTA→VS, nous postulons qu’ils ont une contribution différentielle dans le développement de la surconsommation de sucre. Il faut noter que la majorité des neurones cNTS activés par l’ingestion de glucose expriment la proenképhaline (Penk) et leur activation favorise le développement d’une préférence sucrée. Notre hypothèse principale est donc que les deux circuits de la voie post-ingestive (cNTSPenk→dlPBN et/ou cNTSPenk→VTA) favorisent la motivation accrue pour le sucre et sa surconsommation compulsive.
Ce projet d’amorçage nous permettra d’évaluer directement le rôle de la voie post-ingestive dans le développement d’une consommation compulsive de sucre. Tout d’abord, nous évaluerons l’impact de la surconsommation de sucrose sur la motivation à consommer le sucre et sur le recrutement des circuits cNTSPenk→dlPBN et cNTSPenk→VTA chez des souris femelles C57BL/6 de type sauvage. Pour cela, nous adapterons au sucrose un modèle animal largement utilisé de la transition entre simple usage de drogue et addiction. Dans ce modèle, un accès prolongé au sucrose devrait induire des réponses neuroadaptatives typiques de l’addiction dans le circuit de la récompense du cerveau et conduire à une consommation compulsive. Suite à un accès différentiel quotidien au sucre, la motivation pour le sucre sera évaluée en appliquant une analyse d’économie comportementale, et en évaluant la persistance de la consommation de sucre malgré des conséquences négatives. Par traçage rétrograde et marquage de la protéine c-Fos, nous mesurerons l’activation différentielle des deux circuits post-ingestifs. Dans le deuxième objectif spécifique, nous testerons de manière causale les rôles des circuits cNTSPenk→dlPBN et cNTSPenk→VTA dans le développement de l’addiction au sucre en combinant des approches chimiogénétiques intersectionnelles et comportementales chez des souris femelles transgéniques Penk-IRES2-Cre exprimant la recombinase Cre dans les cellules contenant Penk. L’activation et l’inhibition de ces circuits seront effectuées lors de l’accès différentiel au sucrose. Nous évaluerons l’impact de ces altérations sur la consommation de sucre et la motivation.
Nos recherches fourniront des informations inédites sur le rôle de l’axe intestin-cerveau dans le développement d’une consommation compulsive de sucre. Nous détaillerons les différents mécanismes neurobiologiques en jeu, et notamment le rôle de la signalisation enképhaline dans le cNTS. Plus généralement, notre projet pourrait avoir des implications importantes pour les stratégies d’intervention en santé publique. En effet, si notre hypothèse est confirmée, les interventions ciblant la voie post-ingestive implicite devraient être plus efficaces que les interventions standards ciblant des choix conscients pour limiter la consommation de sucre. En conclusion, ce projet d’amorçage ouvrira la voie à une nouvelle ligne de recherche originale, qui pourrait ensuite être poursuivie dans un futur projet complet.

Equipes du projet

Coordonnateur :

LENOIR Magalie

N° ORCID : 0000-0001-7983-1824

Structure administrative de rattachement : Université de Bordeaux

Laboratoire ou équipe : Institut de Neurosciences Cognitives et Intégratives d'Aquitaine (INCIA)

N° RNSR : 201119416L

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