Assignation à résidence. Handicaps, trajectoires résidentielles et politiques publiques

Résumé de soumission

CONTEXTE : Les mesures de confinement prises en réaction à la pandémie de COVID-19 durant le premier semestre 2020 ont mis en lumière les inégalités de logement qui existent en France et les risques sanitaires auxquels sont exposés les personnes sans logement ou qui vivent dans des conditions de logement dégradées ou inadaptés aux règles de distanciation sociale. Dans ce contexte, les conditions de logement constituent un enjeu crucial pour les personnes vulnérables, considérées comme « à risque » au regard du virus, à l’instar des personnes en situation de handicap. Ces dernières sont pourtant plus exposées au risque d’un logement inadéquat, du fait de leur difficultés d’accès au parc locatif, de la dégradation de leur état de santé qui peut rendre le logement inhospitalier, mais aussi en raison de la réduction de leurs chances d’accès à un logement accessible, du fait de l’abandon de l’obligation d’accessibilité du bâti dans le cadre de la loi ELAN du 23 novembre 2018 qui prévoit l’abaissement à 20% du seuil de logement neufs devant être accessibles. L’adoption controversée de cette loi interroge les effets des politiques publiques sur les inégalités d’accès au logement vécues par les personnes handicapées. La réponse à cette question se heurte cependant à un déficit de données quantitatives et qualitatives portant sur les trajectoires résidentielles et les conditions de logement de ces personnes. Cette situation justifie la mise en œuvre d’une étude de référence sur un sujet délaissé par la recherche publique qui contribuera à la lutte contre les discriminations au logement vécues par les personnes handicapées.
OBJECTIFS : Ce contexte social et législatif permet de formuler l’hypothèse d’une assignation à résidence des personne handicapées, assignation entendue comme la manifestation d’une double contrainte s’exerçant sur leur mobilité résidentielle d’une part, et sur leur circulation dans et en dehors du logement d’autre part. La vérification de cette hypothèse engage la poursuite de deux objectifs complémentaires :
1. Mesurer la force de cette assignation en documentant les inégalités de trajectoires résidentielles et de conditions de logement des personnes handicapées par la collecte de données objectives – tirées d’enquêtes statistiques nationales et d’observations ethnographiques localisées – et subjectives – produites par le recueil de récits de vie auprès de trois échantillons de personnes handicapées.
2. Saisir le rôle des politiques publiques dans la production de l’assignation à résidence en analysant différentes modalités de construction et mise en œuvre des droits des personnes handicapées en matière de logement au niveau national – à travers l’analyse des conditions de rédaction de la loi ELAN et le traitement des plaintes reçues par le Défenseur des droits dans ce domaine – et local – par le biais d’un étude comparée de dispositifs d’intermédiation autour du logement à Paris et Grenoble.
MÉTHODE : La poursuite des objectifs précédemment décrits requiert la mise en œuvre de 5 opérations de recherche :
1. L’analyse des conditions politiques de la rédaction de l’article 64 de la loi ELAN par l’exploitation des archives parlementaires et ministérielles et la réalisation d’entretiens auprès des principaux acteurs des deux camps impliqués dans cette bataille législative.
2. La description statistique des trajectoires résidentielles et conditions de logement des personnes handicapées par l’exploitation secondaire d’enquêtes statistiques nationales, en particulier les millésimes 2006 et 2013 de l’enquête Logement (Insee) et l’enquête Trajectoire et Origines de 2008 (Ined et Insee).
3. L’analyse quantitative et qualitative d’un corpus de 200 plaintes déposées par des personnes handicapées en 2017 et 2018 auprès du Défenseur de droits pour discrimination dans l’accès au logement, complétée par la réalisation d’entretiens auprès d’un échantillon de plaignants.
4. Une étude comparée du fonctionnement et des modes d’intervention de deux dispositifs locaux d’intermédiation entre les politiques du logement et les personnes handicapées à Grenoble et Paris : les Conseils locaux de santé mentale et les bailleurs sociaux.
5. Une enquête qualitative sur l’expérience du confinement liée aux conditions de logement comprenant deux volets : la réalisation de deux entretiens espacés de 6 mois auprès d’un échantillon de 25 usagers de la Maison Départementale des Personnes Handicapées de Paris ; une ethnographie comparée de deux habitats partagés accueillant des personnes handicapées dans la Drôme et en Seine-Saint-Denis.
PERSPECTIVES : Les perspectives poursuivies par le projet sont de trois ordres :
– Produire des données sur les conditions de logement et les discriminations vécues par les personnes handicapées qui pourront être utiles à la construction des politiques publiques dans ce domaine.
– S’inscrire dans les débats scientifiques sur l’intersectorialité de l’action publique (le disability mainstreaming), en questionnant les conflits sectoriels suscités par les approches inclusives de l’action publique et participer aux débats sur la mise en œuvre des politiques des droits, en interrogeant les conditions politiques de production de la conscience des droits.
– Contribuer au débat public sur l’inclusion, objectif actuel des politiques publiques.

Equipes du projet

Coordonnateur :

BAUDOT Pierre-Yves

Structure administrative de rattachement : Université Paris Dauphine

Laboratoire ou équipe : IRISSO CNRS-INRAE UMR 7170

N° RNSR : 200512552B


Autres équipes participantes :

Responsable de l'équipe 2 : DAMAMME Aurélie
CRESPPA UMR 7217, Équipe GTM


Responsable de l'équipe 3 : BOURGEOIS Marine
Pacte (UMR 5194), Equipe « Régulations »,


Responsable de l'équipe 4 : SCHIJMAN Emilia
Centre Maurice Halbwachs


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