La politisation des situations de handicap : accessibilité, participation et citoyenneté des personnes handicapées en France (2019-2022)

Résumé de soumission

ContexteAlors que la participation politique des personnes handicapées est une question qui s’impose de plus en plus fortement dans l’agenda politique, en France, elle demeure un angle mort des travaux en sociologie du handicap comme en sociologie électorale (contrairement à d’autres pays, les Etats Unis en particulier). L’une des dernières contributions à la question émane de la rapporteure spéciale de l’ONU sur le droit des personnes handicapées qui, dans des observations préliminaires rédigées à l’issue de sa visite en France en octobre 2017, pointe les obstacles posés à la reconnaissance législative du droit de vote des personnes handicapées (la capacité électorale des majeur sous tutelle restant soumise à l’autorisation du juge en vertu de l’article L.5 du code électoral), mais aussi à l’exercice effectif de ce droit en raison du manque d’accessibilité du processus électoral (propagande, bureaux, techniques de vote…). Compte tenu des dispositions prévues à cet effet dans le code électoral et la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il importe de se demander dans quelle mesure et à quelles conditions ces dispositions légales sont transformées en pratiques. C’est précisément ce à quoi ce projet entend répondre, contribuant de la sorte à un champ de recherche plus vaste sur les processus de « disenfranchisement » qui produisent l’exclusion de fait de franges ciblées du corps électoral : minorités ethniques, sexuelles, populations précarisées ou encore handicapées.ObjectifsCe projet s’inscrit dans le prolongement d’une enquête menée par les mêmes équipes de recherche à l’occasion des campagnes électorales de 2017. Cette première étude a notamment permis de produire une analyse statistique de la participation des personnes handicapées aux élections présidentielle et législatives dans trois départements, mettant en évidence un différentiel de participation entre ces personnes et le reste de la population, différentiel qui varie cependant selon les propriétés sociodémographiques et situations administratives au regard du handicap des individus. Si la méthodologie employée a ainsi permis de combler le déficit de données existant sur la question, elle rencontre des limites pour analyser plus finement ce différentiel de participation. L’objectif de ce projet est de collecter un matériau essentiellement qualitatif, fondé sur des observations et des entretiens, permettant de mesurer les effets de trois variables principales sur le comportement des personnes handicapées: la situation professionnelle, l’encadrement médico-social et le rapport aux institutions administratives.MéthodesLe projet articule trois opérations de recherche : 1.Le recueil de récits de citoyenneté à partir d’une série de 6 entretiens panélisés auprès d’un échantillon de 23 personnes handicapées (échantillon tiré dans la base de donnée d’usagers de la MDPH du département G. utilisée lors de la première enquête) organisés à intervalles réguliers dans le cadre du calendrier électoral de 2019 (européennes) et de 2020 (municipales). Ces entretiens ont tout d’abord pour objectif de saisir la façon dont la situation de handicap influence le rapport au monde social et politique des enquêtés en portant une attention particulière à l’émergence d’une conscience des droits, notamment politiques. Ils serviront également à décrire le monde institutionnel dans lequel évoluent ces individus et identifier les acteurs ayant contribué à façonner leurs relations aux institutions. Ce faisant, ils permettront de confirmer l’hypothèse établie au moyen d’entretiens exploratoires selon laquelle les personnes handicapées entretiennent un rapport très distant et discontinu aux institutions, la MDPH apparaissant rarement comme un espace pertinent de référence pour l’établissement des relations avec l’Etat. Cette hypothèse invite à compléter ces récits par des entretiens avec les individus de soutien ayant guidés l’accès aux droits de nos individus. Nous éclairerons enfin ces récits par l’observation des campagnes électorales et du déroulement des scrutins dans leurs communes de résidence.2.Une ethnographie comparée de deux établissements (un ESAT et FAM) au moyen de sessions d’observation prolongées et au long cours au sein de ces établissements (18 semaines d’observations sur deux ans). Il s’agira de saisir la façon dont l’organisation des activités au sein des établissements contribue à accroître la participation électorale en étudiant deux modalités du lien entre vie en établissement et citoyenneté politique. La première concerne les voies de politisation offertes par les formes de sociabilité particulières autorisées et organisées dans ces établissements ; la seconde renvoie aux dispositifs plus ou moins formels développés par leurs équipes éducation pour favoriser l’apprentissage et l’expression de la citoyenneté dans et hors les murs.3.Le suivi des débats sur la suppression de l’article L5 du Code électoral (suppression qui accorderait le droit de vote aux majeurs protégés sans avis préalable du juge des tutelles) à partir de l’observation des réunions, de l’analyses des productions et de la réalisation d’entretiens auprès des membre d’un groupe de travail réuni au Ministère de la Justice dans la cadre de la réforme actuelle de la protection de majeurs. Il s’agira de comprendre la manière dont la définition du droit du suffrage comme compétence et le sens de l’acte électoral comme expression d’une opinion politique est questionnée par l’extension de ce droit aux majeurs protégés.Perspective : Cette enquête vise à produire des connaissances sur les obstacles et les facilitateurs de la participation politique des personnes handicapées ainsi qu’une compréhension approfondie des conditions de cette participation afin de contribuer au débat relatif à leur inclusion sociale (dont l’inclusion politique fait partie)

Equipes du projet

Coordonnateur :

BAUDOT Pierre-Yves

Structure administrative de rattachement : Université Paris Dauphine

Laboratoire ou équipe : CURAPP-ESS UMR CNRS 7319

N° RNSR : 201220282Y


Autres équipes participantes :

Responsable de l'équipe 2 : BRACONNIER Céline
CESDIP-Sciences Po Saint-Germain-en-Laye/ Université de Cergy-Pontoise


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