Avoir une vie « normale » dans l’expérience de la maladie chronique, du handicap et du vieillissement : épreuve personnelle, enjeu social et clinique (NORMAVI)

Résumé de soumission

Contexte :

Le projet se concentre sur un phénomène émergeant massivement dans ces sociétés : l’expression d’un désir d’une vie « normale » par les personnes vieillissantes, maladies chroniques ou handicapées, et la promotion de ce désir par les associations de patients. De façon concomitante, les équipes médicales et soignantes, les professionnels du champ médico-social s’interrogent sur la manière dont elles pourraient/devraient intégrer cette aspiration à la détermination de la prise en charge et à la conception de leur métier.
Objectifs : le projet NORMAVI entend tout d’abord développer une approche originale et innovante de cette aspiration au retour à une vie « normale ». Tout en conservant la dimension critique à l’égard de toute normativité a priori et en s’appuyant sur la critique de la notion de normalité (12, 15, 29, 52, 53, 76), il refuse de considérer cette aspiration comme la simple expression d’une injonction du monde médical et soignant à l’égard des patients. Il entend proposer un cadre théorique mis à l’épreuve de connaissances et de données issues des sciences sociales aux interrogations suivantes : lorsqu’on formule une telle aspiration, est-on toujours déjà prisonnier de normes préexistantes (sociales, personnelles, familiales) ? S’agit-il de l’expression désespérée d’une guérison qui n’adviendra pas ou de la tentative de recréer une autre forme de vie que l’on accepte pleinement (plutôt qu’on ne s’y résigne) ? Quels liens peut-on établir entre ce « normal » et l’ordinaire, la routine, le quotidien, l’idée de vie digne ou décente ? Une vie « normale », est-ce une vie comme les autres ou une forme de vie qui tient compte des spécificités imposés par son état organique, différente, et pleinement assumée comme telle ? En particulier, quelles formes d’autonomie (sentiment et pratiques d’autonomie) implique cette aspiration ? Et enfin, quels savoir-faire et professions, quelles inventions concourent à la réalisation d’une telle aspiration ?

 

Méthodes :
1. Analyse philosophique, conceptuelle et éthique, d’un corpus médico-philosophique et anthropologique (Goldstein, Canguilhem, philosophie des formes de vie et du care, théorie de l’affordance)
2. Travail de théorisation à partir de ces corpus pour identifier leurs apports respectifs et leurs éventuelles complémentarité et les formaliser dans un cadre conceptuellement cohérent et éthiquement fondé.
3. Collaboration entre philosophie et sciences sociales de la médecine (sociologie et anthropologie), pour mettre les ressources théoriques envisagées ci-dessus à l’épreuve des connaissances et données réunies par les sciences sociales sur l’aspiration à une vie « normale » en situation de handicap, maladie chronique et vieillissement.
Ces trois tâches seront effectués dans le cadre d’une collaboration collective et pour la tâche 3, pluridisciplinaire.

 

Perspectives :
– dépôt d’un projet ANR ;
– mise en place d’études de terrain ;
– rédaction d’un article de synthèse théorique sur la base des quatre premiers 4 séminaires de travail (en anglais, destiné à une revue de philosophie ou de bioéthique) et d’un article rendant ces ressources théoriques mobilisables par les professionnels médico-sociaux (en français, destiné à une revue d’éthique médicale/soignante).

Synthèse finale du projet

Synthèse publiable :
Avoir une vie « normale » dans l’expérience de la maladie chronique, du handicap et du vieillissement : épreuve personnelle, enjeu social et clinique (NORMAVI)
Coordination : Marie Gaille
Assistante de recherche : Agathe Camus

 

A) Contexte et objectifs du projet
Le projet NORMAVI entend tout d’abord développer une approche originale et innovante de cette aspiration au retour à une vie « normale ». Tout en conservant la dimension critique à l’égard de toute normativité a priori et en s’appuyant sur la critique de la notion de normalité, il refuse de considérer cette aspiration comme la simple expression d’une injonction du monde médical et soignant à l’égard des patients. Il entend proposer un cadre théorique mis à l’épreuve de connaissances et de données issues des sciences sociales aux interrogations suivantes : lorsqu’on formule une telle aspiration, est-on toujours déjà prisonnier de normes préexistantes (sociales, personnelles, familiales) ? S’agit-il de l’expression désespérée d’une guérison qui n’adviendra pas ou de la tentative de recréer une autre forme de vie que l’on accepte pleinement (plutôt qu’on ne s’y résigne) ? Quels liens peut-on établir entre ce « normal » et l’ordinaire, la routine, le quotidien, l’idée de vie digne ou décente ? Une vie « normale », est-ce une vie comme les autres ou une forme de vie qui tient compte des spécificités imposés par son état organique, différente, et pleinement assume comme telle ? En particulier, quelles formes d’autonomie (sentiment et pratiques d’autonomie) implique cette aspiration ? Et enfin, quels savoir-faire et professions, quelles inventions concourent à la réalisation d’une telle aspiration ?

 

B) Méthodes :
1. Analyse philosophique, conceptuelle et éthique, d’un corpus médicophilosophique et anthropologique (Goldstein, Canguilhem, philosophie des formes de vie et du care, théorie de l’affordance)
2. Travail de théorisation à partir de ces corpus pour identifier leurs apports
respectifs et leurs éventuelles complémentarités et les formaliser dans un cadre
conceptuellement cohérent et éthiquement fondé.
3. Collaboration entre philosophie et sciences sociales de la médecine (sociologie et anthropologie), pour mettre les ressources théoriques envisagées ci-dessus à l’épreuve des connaissances et données réunies par les sciences sociales sur l’aspiration à une vie « normale » en situation de handicap, maladie chronique et vieillissement.

Ces trois tâches seront effectuées dans le cadre d’une collaboration collective et pour la tâche 3, pluridisciplinaire.

 

C) Méthodologie utilisée
Nous avons organisé notre travail comme suit sur les 10 mois du contrat :

 

Septembre-Octobre-Novembre-Décembre
Tâche principale > analyse conceptuelle et élaboration de l’analyse fondée sur Goldstein et Canguilhem
Tâche secondaire > conception de la journée organisée le 9 avril 2019 pour un travail comparatif (hypothèse, implications) entre éducation thérapeutique, maladie chronique et soin technologique, commune avec le projet ÉTHÉ également par l’IReSP.

 

Janvier-Février-Mars
Tâche principale > analyse des différences et des points communs des situations pathologiques de nature différente, mais qui ont en commun de correspondre à une rupture dans le fil de l’existence en raison de la pathologie.
– Maladie chronique et handicap au sens d’une vie en situation de handicap du fait de la maladie (il y a eu une rupture dans l’existence et le retour à la vie ordinaire est pensé avec un référentiel de « vie normale », un état antérieur autre)
– Vieillissement avec pathologie(s) associée(s), qui fait basculer la personne dans des formes de dépendance et de vie plus ou moins médicalisée.
– Maladie chronique dégénérative
Tâche secondaire > organisation de la journée organisée le 9 avril 2019 pour un travail comparatif (hypothèse, implications) entre éducation thérapeutique, maladie chronique et soin technologique, commune av0ec le projet ÉTHÉ également par l’IReSP.

 

Avril
Tâche principale > état de la littérature sur les textes de bonnes pratiques/les lois/les décrets d’application
Tâche secondaire > préparation d’une soumission au congrès EUPHA 19

 

Mai-Juin
Tâche principale > rédaction des résultats de la recherche (projet de livre) et conception d’un numéro spécial de revue pour ALTER, sur la base de la journée du 9 avril
Tâche secondaire > analyse conceptuelle et normative de la question de la latitude de vie dans les situations dites de « fin de vie », afin de déterminer si l’on a affaire à une situation spécifique du fait du rapport prochain à la mort.
Nous avons organisé plusieurs séances de discussion avec des spécialistes du domaine en philosophie ou sciences sociales : Frédéric Balard MCF Université de Lorraine en sociologie ; Estelle Ferrarese PU en philosophie à l’Université Jules Vernes ; Paul-Fabien Groud doctorant en anthropologie ; Anne-Sophie Haeringer post-doctorante en anthropologie ; Nicolas Lechopier, MCF en philosophie à l’Université Lyon 1 (faculté de médecine) ; Jean-Marc Mouillie MCF HDR en philosophie à l’Université d’Angers (Faculté de médecine) ; Myriam Winance (INSERM, Cermes3).

 

D) Principaux résultats obtenus : apport en termes de connaissance + apport
En termes d’action de Santé Publique – transférabilité (débouchés opérationnels potentiels pour des décideurs en Santé Publique)

 

L’exploration de l’idée d’une aspiration à une vie normale chez des personnes qui sont entrées dans un moment de l’existence caractérisé par un état pathologique chronique (maladie chronique, vieillissement, situations de handicap) a donné lieu à un double travail de « cartographie » :
D’une part, le travail de recherche et la réflexion issue des échanges avec différents chercheurs en sciences humaines et sociales et d’un état de l’art ont permis d’identifier les principales critiques adressées à l’idée de « vie normale », de les prendre considération dans le travail conceptuel et, pour certaines, d’y répondre.
D’autre part, nous avons procédé à une exploration des différentes formes que pouvait prendre l’expression d’une telle aspiration à vivre une vie « normale », comme « tout le monde », « comme avant », dans un certain nombre d’enquêtes ethnographiques issues de travaux en sciences sociales ainsi que dans différents récits littéraires ou biographiques.
Sur le plan de l’analyse philosophique, le projet Normavi nous a permis de questioner la pertinence des conceptions des états de santé et des états pathologiques de Canguilhem et de Goldstein dans le contexte d’états pathologiques chroniques et de travailler leur articulation avec une philosophie de l’ordinaire.
Ces différents résultats apparaissent notamment dans l’article co-écrit par Agathe Camus et Marie Gaille : « La vie ordinaire cachée des états pathologiques chroniques. Comment explorer et donner à sens à une idée paradoxale et d’apparence discutable ? », soumis à la revue Alter en mai 2020, et doivent être présentés et discutés lors de la conférence Alter 2020, Le handicap, un opérateur pour interroger les normes ? (initialement prévue en juillet 2020, reportée).
Enfin, nous avons opéré une réorientation concernant les suites à donner au projet Normavi. Le contrat de définition octroyé par l’IReSP nous a permis de stabiliser un positionnement philosophique caractérisé par une relation étroite aux apports des sciences sociales, mais marquée par une perspective propre, à la fois sur le plan normatif et conceptuel. L’état de l’art a aussi fait apparaître la pertinence d’une enquête aussi large que possible, qualitative, sur l’aspiration à vivre une vie « normale », comme « tout le monde », « comme avant », peu connue à ce jour dans son contenu et ses implications pour les politiques de santé publique.
Afin de pallier ce double problème, nous avons pris contact avec le CRESS (Université de Paris) qui pilote la cohorte ComPare (la communauté de patients pour la recherché https://compare.aphp.fr/) afin de déposer ensemble deux projets de recherche. Ces deux projets ont été déposés dans le cadre d’appels à projets : l’appel à projet general 2020 de l’ANR et l’appel SHS-E-SP 2020 de l’INCA et les deux ont été retenus en première phase de sélection (résultats finaux en attente).
– Projet ANR : “Reinvented Normalities” and chronic condition. Philosophical and epidemiological approaches to patients’ perspectives.
– Projet INCA : L’aspiration à une « vie ordinaire » dans le contexte des cancers chroniques. Approches philosophiques et épidémiologiques des perspectives de patients.

Dans ces deux projets, nous avons prêté une attention particulière à la transférabilité des résultats pour les décideurs en Santé publique.

 

E) Impacts potentiels de ces résultats
Sur le plan philosophique, ces résultats permettent d’actualiser la réflexion médicophilosophique de Goldstein et Canguilhem, à partir notamment de la réflexion
philosophique contemporaine sur la question de la « vie ordinaire » d’une part, sur les « formes de vie » d’autre part, associée à la réflexion sur les finalités du soin.
Ils permettent également de renouveler la réflexion sur l’aspiration à une forme de normalité en ne la réduisant pas au résultats d’injonctions normatives diverses, mais en l’articulant bien plutôt à une philosophie de l’ordinaire.
Le fait de prendre au sérieux cette aspiration, comme il nous a semblé nécessaire de le faire, engage en outre une réflexion co-construite avec des soignants, médecins, chercheurs en santé publique et des décideurs, sur la manière dont les prises en charges médicales et les parcours de soin peuvent la prendre en compte. Le projet NORMAVI nous a permis de mettre en place une collaboration avec des équipes d’épidémiologie et de santé publique ainsi que des équipes médicales (médecine interne, hématologie clinique), qui tend à approfondir cette question : c’est l’objet des projets de recherche évoqués ci-dessus.

Equipes du projet

Coordonnateur :

GAILLE Marie

N° ORCID : 0000-0001-5572-1065

Structure administrative de rattachement : Université Paris Diderot – CNRS

Laboratoire ou équipe : Laboratoire SPHERE, UMR 7219

N° RNSR : 200919224L

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